Christine et Jean-Pierre Degenève devant leur chalet  du Mont d’Arbois © Fabrice Schiff

Depuis 115 ans, la famille Degenève est un acteur majeur de l’automobile et du transport collectif en Haute-Savoie. Dans leur chalet toutes options du Mont d’Arbois, Jean-Pierre et Christine ont piloté l’équipe de Lyon People pour un joli tour de piste.

«  Avec Degenève, tous les feux passent au vert ! » Si la devise ne figure pas au blason des Degenève de Lullin, dont l’implantation dans le genevois remonte à 1393, l’adage patronymique est connu de tous à Megève. Il illustre une certaine philosophie familiale et la personnalité avenante du patriarche Jean-Pierre Degenève. Dans son chalet du Mont d’Arbois, aux côtés de son épouse Christine, l’homme a ouvert pour Lyon People son coffre à souvenirs. Coup d’œil dans le rétro. Où l’on apprend que c’est à la fin des années 50 que le frais septuagénaire a commencé sa belle aventure avec Megève. « Les parisiens prenaient le train de nuit pour arriver à Sallanches au petit matin », se souvient-il. Alors « arpette » au garage Degenève de Thonon, le jeune Jean-Pierre travaille déjà son coup de volant. « Mon père René, agent Renault à Sallanches, avait flairé la manne touristique et proposait des 4 CV à la location pour que les parisiens puissent monter à la station. » Les mécaniques s’essoufflant rapidement, le jeune apprenti conduit les véhicules rudoyés jusqu’au garage de Thonon. «  J’avais 14 ans », sourit-il. L’anecdote illustre diablement bien l’ADN des Degenève : fonceurs et ambitieux. Voire prémonitoires. Son grand-père Jean-Marie invente et commercialise dès 1900 la bicyclette Degenève dans ses ateliers de Thonon.  Malgré la concurrence de l’Hirondelle produite par la Manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-Etienne, « L’Invincible Degenève » commence par se faire un nom dans le milieu de la petite reine en équipant le coureur Fernand Bozzo lors du Tour de France 1924.

Degenève passe de deux à quatre roues

Mais le pionnier Jean-Marie voit plus loin et diversifie dès 1922 ses activités avec la création de la SAT (Société Autos Transports), toujours dans le giron familial aujourd’hui, qui organise alors des excursions pour toute la région, la Suisse et le Sud de la France. En parallèle, le petit atelier thononais se mue en Grand Garage Degenève. « Les premières automobiles commercialisées par mon grand-père étaient des Rochet & Snider, Delage et Amilcar », précise Jean-Pierre. Dès 1933, la famille devient distributeur de la marque Renault et le restera pendant 60 ans. Merveille d’architecture fonctionnaliste, l’écrin des bords du lac Léman cède la place à un garage sis à Gaillard dès 1957. Au catalogue, René, qui a repris les rênes après le décès de Jean-Marie en 1953,  ajoute les griffes Triumph et Volvo. Jean-Pierre blanchit rapidement sous sa blouse d’apprenti. « Je suis passé par tous les postes. Magasinier, mécanicien, chef d’atelier, vendeur, chef des ventes… » , égrène-t-il.  Le soir, il retape une Buick 8 cylindres de 1931 qui sera son premier véhicule, préambule à la Mercedes 300 SL « portes papillons » qu’il conduira dès l’âge de 18 ans. Affecté à Epinal en 1961 pour 32 mois de service militaire, Jean-Pierre use ensuite ses gommes dans les rallyes automobiles. Ses bolides ? Triumph Spitifire Mk2 ou GT6. « J’ai même été copilote pour de Jean-Louis Barrallier, pilote usine chez Triumph, sur une berline 2500 PI lors du rallye Neige et Glace. »

Le plus ancien concessionnaire Toyota de France

Les années 70 marquent la fin de l’aventure Triumph et Volvo pour le garage Degenève. En 1971, René fait le pari audacieux de commercialiser la marque Toyota.  « C’est à ce jour la seule marque automobile qui produit entièrement en France avec la Yaris fabriquée sur les chaines de montage à Valenciennes », rappelle Jean-Pierre. Le greffon nippon fleurit si bien que le garage de la route de Genève à Gaillard devient trop étroit. Passé à la tête de l’entreprise familiale, Jean-Pierre passe la troisième et s’installe route de l’industrie en 1985. « Il y avait une ancienne usine qui fabriquait entre autres les briquets pour Dunhill. J’ai demandé à voir le patron. La discussion a duré dix minutes et la transaction était conclue. » En 1993, il ajoute la marque premium du constructeur japonais, Lexus, à son offre. Il transmet les clés de la boutique à ses fils Jean-Marie, Florian et Aurélien dès 2004. La 4e génération renoue avec les racines thononaises avec l’ouverture d’une concession à Anthy-sur-Léman,  maillant également un ambitieux réseau commercial et la reprise de concessions à Genève et à Sallanches. Le plus ancien concessionnaire Toyota de France est aussi le plus ancien client professionnel de la banque Laydernier. Le groupe Degenève génère aujourd’hui un chiffre d’affaire de plus de 40 millions d’euros. Porté par son aîné Jean-Marie – « son prénom est évidemment un hommage à mon grand-père », explique Jean-Pierre – ce choix du développement porte ses fruits.

Megève comme dénominateur commun

Aujourd’hui propriétaire d’un pied-à-terre au cœur du village, Jean-Marie a découvert Megève « tout gamin » avec son père.  Nous sommes en 1972 et Jean-Pierre fait l’acquisition d’un appartement dans la résidence Hermitage, montée du Mont d’Arbois. « C’est l’époque du Megève festif, celui du Chelsea, du Chatam, du Rolls, de l’Esquinade, du Viking et du Glamour », se remémore-t-il avec une pointe de nostalgie. Seul le club de jazz des 5 Rues témoigne encore de cette époque. Le Megève paillettes vit ses plus belles heures, où l’on croise au village le baron Empain, Pétula Clark, Stone & Charden« Tout cela a commencé dans les années 50 avec Sacha Distel et Brigitte Bardot et leurs fameux œufs meurettes qu’ils dégustaient au chalet forestier. » Le BJ noir de Michel Sardou qui tourne dans la station est estampillé Degenève alors que Jean-Pierre circule de son côté au volant d’une rare 2000 GT rachetée à Sheila et produite à seulement 364 exemplaires par Toyota. En 1985, il cède l’une de ses Ferrari (il en a possédé sept) pour faire l’acquisition d’un terrain au Mont d’Arbois sur lequel il fait bâtir son chalet. La crémaillère est pendue en 1987 pour la naissance de sa seule fille, Amandine. Véritable cocon de montagne chic et cosy, le chalet a été redécoré par Christine. « Nous nous sommes mariés en 2004 » , rappelle Jean-Pierre qui a rencontré son épouse lors d’une croisière aux Caraïbes sur le Club Med 2. Sur trois niveaux, les bois grisés et blonds répondent aux nuances de taupe à travers l’utilisation de matières nobles et rares, comme le granit noir du Zimbabwe. Du mobilier « exclusivement fabriqué en France », comme ces superbes pièces de la maison Moissonnier et une très délicate vaisselle de Giens peinte à la main. « C’est un écrin où nous aimons recevoir nos amis » , confie-t-elle. Originaire de Gaujac dans le Gers où elle a conservé avec ses deux sœurs une superbe propriété familiale, cette maîtresse femme a gardé l’accent chantant qu’égaye son profond regard azur. Il n’en fallait pas moins pour dompter le moteur et la mécanique très masculine de la famille. Menant leur dolce vita mégevane entre raffinement et adrénaline, tous les feux sont au vert pour Jean-Pierre et Christine Degenève.

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