Propos recueillis par Marc Polisson

Exclusif. Deux ans seulement après son arrivée à la tête de Megève Tourisme, Christian Douchement nous confirme qu’il quitte ses fonctions le 30 septembre 2018.

Megève People : L’annonce de votre départ nous fait l’effet d’une douche froide. Votre décision est-elle ferme et définitive ?
CD : Je suis un développeur. Ainsi, j’aime les missions, la gestion de projet et la mise en œuvre d’opérations complexes.
Mon recrutement il y a plus de deux ans, faisait suite à une réorganisation et l’intégration de Megève Tourisme au sein des services de la Commune.
Ma mission était tout d’abord de « façonner » cette nouvelle organisation communale en liens avec l’exécutif politique, les services communaux, les professionnels et les partenaires valléens, départementaux et régionaux.
Plus qu’un directeur d’Office de Tourisme, cette fonction était davantage une mission de « directeur du tourisme ou directeur de station », à l’identique de mes fonctions précédentes sur d’autres stations, en apportant à la fois une approche technique et stratégique, tout en assurant une fonction pivot et très transversale entre les élus, les services et les professionnels.

Votre contrat de trois ans courait jusqu’en septembre 2019. Pour quelles raisons avez-vous devancé l’appel ?
Après deux ans sur Megève, je pense avoir répondu aux besoins exprimés lors de mon recrutement. Homme de projets et de développement, je laisse la place maintenant à un profil peut être moins développeur, stratège ou organisateur, mais surement plus opérateur, gestionnaire et politique.

En deux ans, vous vous êtes parfaitement intégré. D’où les interrogations que suscite votre départ prématuré.
Merci, oui je crois. Visiblement bien apprécié pour mon engagement et mon professionnalisme, mon intégration a été très rapide et facile en effet. J’ai beaucoup aimé travailler aux côtés des Megevans, des commerçants et professionnels.
Ceux qui s’interrogent doivent se poser la question, pourquoi ? comment ? mais surtout doivent à mon sens, continuer de s’investir, réfléchir et œuvrer pour que la belle histoire continue au-delà des hommes. Ce n’est pas un homme qui fait la différence, mais bien le collectif et la performance du groupe. J’en profite pour remercier les professionnels et les équipes pour leur travail et leur implication au profit du rayonnement et le renforcement de l’attractivité de Megève.

« Je ne doute pas que la suite sera heureuse et que la belle étoile de Megève continuera à briller pendant les 100 prochaines années. »

La confiance des acteurs politiques et économiques de la ville vous a-t-elle fait défaut pour mener à bien votre mission ? Avez-vous vécu comme une contrainte le fait que l’office de tourisme soit municipalisé ? Aviez-vous autant de marge de manœuvre qu’à Villars de Lans où vous êtes resté 5 ans ?
La bonne organisation n’existe pas, et tout dépendra de l’orientation générale et des hommes. Il n’y a pas de bons ou mauvais modèles, mais il y a des choix à faire, en toute clairvoyance. Travaillons-nous sur l’offre ou sur les marchés ? Une organisation intégrée et municipalisée est comme un paquebot, lourde et souvent inerte, mais en même temps elle fixe et garde le cap, en lien avec la politique municipale souhaitée par les élus et sera plus efficace pour le développement de l’offre (équipements, infrastructures, services).
A l’inverse, une organisation plus indépendante, sera autrement plus efficace vis-à-vis des clients, des distributeurs et tour-opérateurs, de la presse et des marchés cibles. Plus agile et souple, elle sera plus orientée marketing, développement commercial et business et apportera une réponse plus rapide aux professionnels.
Enfin, la question de la marge de manœuvre n’est pas à mon sens essentielle, je crois plus dans l’intelligence, la complémentarité et la capacité à travailler ensemble dans la réussite des choses. C’est souvent et avant tout une histoire d’hommes.

Vous avez réussi à remettre Megève Tourisme sur les rails, mais de quelles réalisations êtes-vous le plus fier ?
Nous pouvons être fiers de quelques résultats, dont les plus probants sont :

  • La mise en œuvre et le développement d’une vraie fonction commerciale, qui réalise aujourd’hui plus de 1.5 million € de volume d’affaires, essentiellement au profit de l’économie megevanne. Avec une croissance de + 500% en deux ans, c’est une vraie caution de l’efficacité vis-à-vis des professionnels du tourisme.
  • La mise en place d’outils précis de mesure et d’analyse de la fréquentation, des prix et de la distribution. Nous pouvons ainsi anticiper les choses, mesurer jour par jour la fréquentation et comparer nos performances. Sans indicateur, il n’y a pas de bonne stratégie.
  • La mise en place de solutions marketing visant à faciliter la récolte des données clients, et la mise en œuvre d’actions marketing précises, dépassant ainsi le « mass market » au profit d’actions beaucoup plus efficaces et ciblées. Nos leviers sont considérables sur le sujet.
  • L’engagement d’une véritable stratégie digitale cherchant à la fois à fidéliser nos visiteurs et clients, mais également à séduire une clientèle toujours plus volatile. Nous avons doublé les « posts », augmenté de + 25% les taux d’engagement et recruté plus de 15 000 followers en deux ans.
  • La rationalisation des éditions touristiques, avec le principe de collection (palais, hébergement, randonnée, familles…), appuyé par le document phare, maintenant annuel, le Megève Magazine.
  • Le lancement d’une stratégie additionnelle visant à faire parler de Megève autrement que par le « pur » produit touristique, notamment, à travers les prismes du bien-être, de la mode et de la gastronomie. L’évènement Toquicimes – qui sera sans nul doute un grand succès – reste, à mon sens, l’exemple parfait pour illustrer cette nouvelle stratégie et positionnement.

Le tout dans un contexte budgétaire tendu, ou la recherche de l’amélioration de la « productivité » est évidente et permanente. A ce titre, nous avons absorbé sans diminuer l’efficacité, une baisse de la subvention municipale de -25% en trois ans, soit – 800 k€ d’économie.
Évidemment, nous n’avons pas chômé par ailleurs avec l’évolution du modèle du Megève Jazz Festival, la réussite de la Coupe du Monde de Ski Cross, l’accueil de nombreux évènements, etc.
Je dis, nous, car, ces réussites sont évidemment, celle d’une équipe avant tout, et c’est aussi cela dont je peux être fier.

De nombreux chantiers sont en cours. Quels sont les plus urgents ?
A mon sens, consolider la saison et travailler sur les « dents creuses » en jouant sur l’offre congrès, séminaires, évènementiel et clientèle affinitaire.
Continuer le virage entrepris du numérique et du digital, renforcer encore notre présence sur les 8 marchés cibles retenus avec une approche globale (presse, promotion et vente), animer la fonction marketing pour dynamiser la commercialisation et offrir le « bon produit » à la bonne personne.

« Enfin, face au paradoxe de Megève, je dis « osons ! »

Une destination leader doit montrer la voie et être audacieuse. Les artisans d’art que sont les Megevans ont su façonner ce joyau, en mélangeant tradition et innovation, conservatisme et modernité…. Ne cherchons pas à opposer les genres, mais additionnons-les et continuons à écrire une belle histoire ! D’autres l’ont parfaitement réussie, comme Zermatt, St Moritz ou Gstaad.

Vous quittez MT le 30 septembre. Quel nouveau challenge professionnel avez-vous choisi de relever ?
Je suis un montagnard et j’aime cet environnement. Je continuerai à travailler au sein et pour la montagne, tout en cherchant à apporter ma contribution et l’expérience de 25 ans de métiers au sein d’opérateurs internationaux (Compagnie des Alpes, Pierre et Vacances, Caisse des Dépôts), de stations internationales et de territoires touristiques.
A très bientôt !