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Par Aymeric Engelhard

Bienvenue dans la Nouvelle-Angleterre. Nous sommes en 1819 et le baleinier Essex prend la mer afin de ramener de la précieuse huile de baleine. Excellente matière inflammable, elle se vend très bien et permet l’éclairage.

Mais cela implique de tuer des baleines, l’huile s’obtenant dans le lard du mammifère. Et cette fois-ci la Nature a décidé de donner une leçon aux orgueilleux harponneurs. Sous la forme d’un gigantesque cachalot blanc, elle pulvérise le vaisseau et poursuit les survivants pendant leurs innombrables journées de dérive jusqu’au moment où la leçon aura été retenue. Vous l’aurez reconnu, nous parlons bien ici de Moby Dick, la création d’Herman Melville. Mais l’accent n’est pas mis sur la bête. Le héros est un jeune second (Chris « Thor » Hemsworth) dont l’expérience de baleinier est visible au nombre de dents accrochées à son cou. Chaque dent renvoyant à chaque baleine exterminée. Il délaisse sa femme enceinte pour un voyage qui ne devait durer qu’un an maximum mais le grand cachalot blanc en a décidé autrement.

Son évolution à travers le film constitue l’un de ses quelques points forts, que ce soit physiquement ou mentalement, le harponneur qui maîtrisait si bien sa vie auparavant subit totalement les événements. Et autant dire que c’est bien les scènes 100% humaines qui ont le plus d’intérêt malgré une caractérisation des personnages extrêmement grossière. Dès lors qu’ils se retrouvent dans l’obligation de s’entraider pour survivre, le film se suit avec plaisir. D’autant qu’au bout de plusieurs dizaines de jours sans nourriture, ils se voient dans l’obligation de réaliser l’impensable pour tout être humain. Au terme notamment d’une scène atroce où plusieurs hommes tirent à la courte paille le prochain qui servira de repas aux autres. C’est le seul passage du film où l’on retient son souffle et où l’émotion se fait submergeante.

« Au Cœur de l’Océan » ne constitue pas du tout un modèle de finesse. C’est un blockbuster ventripotent, dégoulinant de dialogues crétins, d’effets spéciaux abusifs, de scènes d’action forcées et de personnages alarmants de bêtise (le capitaine…). Il y a bien par ci par là quelques sensations épiques mais la bouillie de pixels qui nous est offerte réussit surtout à être indigeste. De toute façon les animaux en images de synthèse sont devenus un véritable fléau à Hollywood. Et la mise en scène n’essaye jamais d’améliorer la donne. La photographie les met bien en valeur, histoire que l’on voit le mieux possible que les baleines sont fausses, et le film se permet même des gros plans sous-marins (le cinéaste étant incapable de garder le point de vue strictement humain pourtant beaucoup plus efficace). Avec un réalisateur aussi inégal que le très surestimé Ron Howard il ne fallait pas s’attendre à une œuvre d’art. Mais quand même !